L'ERREUR QUE YAMAHA NE DOIT PAS REPRODUIRE AVEC SON TEAM SATELLITE

Si la culture japonaise est marquée par la tradition, cela se ressent tout particulièrement en MotoGP où Yamaha et Honda ont résisté autant qu'elles l'ont pu avant de se rendre à l'évidence : leurs méthodes, infaillibles il y a encore cinq ans, sont devenues complètement obsolètes. Aucune de ces deux marques n'est parvenue à inscrire le moindre podium la saison dernière, statistique qui ne fait que confirmer le trou dans lequel elles ont plongé.

Chacune tente de se réinventer, notamment par le biais de recrutements dans son équipe de test et son groupe d'ingénieurs et de techniciens. Pour Yamaha, la quête de rebond s'appuie aussi sur le retour d'un team satellite, qui lui fait défaut depuis 2023.

N'avoir que deux M1 en course a constitué un manque criant pour le constructeur ces deux dernières saisons, après avoir laissé péricliter son accord avec RNF à cause de son manque de confiance dans le fait de pouvoir percevoir les honoraires prévus. Ce point est très important, car il reflète parfaitement la mentalité des dirigeants de Yamaha, qui ont jusqu'ici essentiellement considéré leurs équipes satellites comme des sources de revenus avant de les voir comme des alliés sportifs.

Cette approche n'explique pas à elle seule la situation calamiteuse dans laquelle Yamaha a plongé, mais il ne fait aucun doute que perdre deux de ses quatre motos en piste n'a pas joué en sa faveur, bien au contraire même, à un stade de son développement où la M1 a perdu son identité et ses points forts, à savoir l'agilité et la motricité.

Fabio Quartararo et Álex Rins ne seront plus seuls à courir pour Yamaha.

Photo de: Yamaha MotoGP

Recueillir la moitié des données qui pouvaient être collectées précédemment et qui continuent à l'être aujourd'hui par la concurrence directe signifie considérablement ralentir le développement et la possibilité de résoudre les problèmes qui se présentent, lesquels n'ont pas manqué dernièrement. En plus du temps qu'il fallait logiquement laisser à Max Bartolini, directeur technique recruté il y a un an en provenance de Ducati, avant que son apport puisse être jugé, cela a contribué à expliquer les positions en retrait de Fabio Quartararo et Álex Rins en 2024.

Yamaha a compris que, pour sortir de cette zone, il lui était essentiel de trouver des alliés. C'est là qu'intervient le nouvel accord passé avec Pramac en tant qu'équipe de soutien. La relation nouée avec l'équipe de Paolo Campinoti n'aura rien de comparable avec celle que Yamaha a pu avoir avec ses précédentes équipes satellites, ni RNF (2022), ni son prédécesseur le team SRT (2019-2021) et encore moins avec Tech3, qui fut son partenaire emblématique pendant près de 20 ans.

Si Yamaha a bien compris comment Ducati a pu s'affirmer comme référence, alors elle va logiquement traiter Pramac comme le constructeur italien l'a fait, avec des méthodes qui ont fini par permettre à Jorge Martín de battre Pecco Bagnaia et d'être champion du monde sans courir pour le team d'usine.

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"Nous avons compris que la donne avait changé ces dernières années et que nous avions besoin de plus de motos et de plus de pilotes officiels. Nous voulons travailler ensemble, en tant qu'équipe, pour ramener Yamaha là où elle mérite d'être", a déclaré Paolo Pavesio, successeur de Lin Jarvis à la tête du département course de Yamaha, lors de la présentation officielle organisée la semaine dernière.

"Sur la grille, il y aura quatre motos d'usine, complètement égales. Il s'agit de faire partie d'une famille, et pas seulement d'être un client. Ces dernières années, nous avons fait du très bon travail [avec Ducati] et nous sommes sûrs de pouvoir apporter des choses intéressantes", a souligné quant à lui Paolo Campinoti, propriétaire de Pramac Racing.

Un effort collectif qui permettra de ramener Yamaha vers le haut du classement ?

Photo : Dorna

Voilà qui annonce un changement radical par rapport aux contraintes vécues par le passé par les équipes précédemment liées à Yamaha, et dont Hervé Poncharal se souvient parfaitement bien. Dans une interview accordée à Motorsport.com, le patron du team Tech3 rappelle avoir choisi de rompre une relation de 18 ans avec Yamaha, ayant entraîné 31 podiums, précisément à cause du manque de soutien auquel il se heurtait, notamment sur le plan technique.

"À l'époque, Yamaha ne considérait pas qu'une équipe satellite pouvait apporter quoi que ce soit en termes de développement. Nos motos étaient noires, en raison du sponsoring de Monster, mais si on grattait le noir, on voyait apparaître le bleu des motos officielles de l'année précédente. Parfois, on trouvait même les initiales VR, de Valentino Rossi, sur certaines pièces", raconte le Français.

"Je me souviens que Dovi [Andrea Dovizioso] me poussait toujours à demander des pièces afin d'améliorer les performances, mais ils m'ont ensuite dit que notre accord consistait simplement à remplir la grille, à nous donner un coup de main et à promouvoir le MotoGP. Quand je leur parlais, j'avais l'impression d'être une nuisance, un fardeau."

Quand je leur parlais, j'avais l'impression d'être une nuisance, un fardeau.

Lorsqu'il a fait ses débuts en MotoGP, Pol Espargaró était pilote officiel Yamaha, sous les couleurs de Tech3. En 2016, répondant aux questions de Motorsport.com après les essais de pré-saison, il avait été très clair quant au fait qu'il avait réclamé une aide qui n'était jamais venue.

"Yamaha nous a fait beaucoup de promesses qu'ils n'ont pas tenu. La saison dernière, on pouvait utiliser cinq moteurs et on en a utilisé seulement trois. On n'a pas eu la boîte de vitesses seamless. Alors, dans quelle mesure suis-je pilote officiel ? […] Parfois, je préférerais gagner moins et qu'ils me donnent du meilleur matériel", dénonçait alors l'Espagnol.

Une fois l'alliance avec Tech3 terminée, Petronas est arrivé en 2019, utilisant son chéquier pour obtenir la dernière version de la M1 avant de partir trois ans plus tard. Le directeur du Sepang Racing Team, Razlan Razali, a eu beau contribuer du mieux qu'il a pu à l'amélioration des réglages, Yamaha a perçu trop d'instabilité et a choisi de ne pas renouveler le contrat quitte à se retrouver sans team satellite.

Jack Miller et Miguel Oliveira incarnent la nouvelle alliance entre Yamaha et Pramac Racing.

Photo : Pramac Racing

"Ils ont compris leur erreur à ce moment-là. Je rêvais d'avoir les M1 de l'année en cours, mais avec les idées qu'ils avaient à l'époque, c'était impossible. C'est la raison pour laquelle nous sommes partis", ajoute Hervé Poncharal, convaincu aujourd'hui que le chapitre qui va s'écrire avec Pramac sera meilleur. "Les Japonais sont très compétitifs parce qu'ils ont une grande histoire et beaucoup de méthodes. La connexion entre le Japon et l'Europe va désormais être très puissante et ils vont sûrement progresser."

Team manager de Pramac, Gino Borsoi sera chargé de transmettre à l'entreprise japonaise les besoins de ses troupes, notamment ceux des pilotes, Jack Miller et Miguel Oliveira. Pour cela, il s'est déjà rendu à Iwata avant la fin de la saison dernière, où il a fait très bonne impression. Chargé de trouver le site sur lequel Pramac va désormais s'établir − dans la banlieue de Bologne et à environ 200 km du siège européen de Yamaha Racing à Gerno di Lesmo −, l'Italien est convaincu de l'implication du géant japonais. En ce sens, il a une grande confiance dans la dynamique générée par Max Bartolini à la direction technique.

"Max leur a apporté une vision plus complète. Avec notre expérience et celle de Bartolini, nous allons essayer d'exporter cette façon de travailler de Ducati vers Yamaha. Il n'y a pas besoin d'inventer quoi que ce soit, il suffit de copier ce qui fonctionne et c'est tout. Si nous appliquons cette méthode, le temps nécessaire pour remettre la moto à sa place se réduit. Max vient de la meilleure école du paddock", souligne Gino Borsoi.

La semaine dernière, Gino Borsoi faisait partie des protagonistes de la présentation Yamaha, menée comme celle d'un projet commun réunissant deux équipes, précisément comme le fait KTM avec Tech3. Le fait que les membres de l'équipe d'usine et ceux de Pramac aient partagé la scène est aujourd'hui un signe majeur de ce changement qui s'opère chez Yamaha. Il ne reste plus qu'à faire en sorte que ce ne soit pas juste une mise en scène.

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2025-02-03T16:05:41Z